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Une collective féministe s'est créée sur l'Université de Paris 8 - Vincennes à Saint Denis(93) . Elle a organisé un festival Moeurs Attaque. Ici toutes nos activités à l'année

Pourquoi le règlement intérieur proposé à Paris 8 est plus nocif que bénéfique

Ce texte a choisi une grammaire au féminin universel. Il s'agit pour nous de faire réfléchir sur ce que la langue nous dit implicitement, ici en terme de domination du genre grammatical masculin sur les autres.

En tant que collective féministe présente sur l'université, deux points nous ont semblé essentiels à développer sur le règlement intérieur qui est proposé au vote du Conseil d'Administration du Vendredi 14 Novembre : la reconnaissance des harcèlements et la mise en place d'un règlement au nom de celles qui ont peur.

Reconnaissance du harcèlement : enfin ?

Les harcèlements moral et sexuel sont traités dans l'article 6 du chapitre II. C'est une avancée significative que l'université prenne acte du harcèlement sexuel et du harcèlement moral. Etre féministe dans cette université, c'est croiser régulièrement des étudiantes déboussolées qui découvrent que derrière leur enseignant se cache un danger. De nombreuses personnelles ont aussi envoyé des signaux de détresse suite à des rapports de travail relevant du harcèlement. Nous ne pouvons que nous réjouir que les luttes pour la reconnaissance du harcèlement payent enfin.

Cependant l'article 6 pose d'ores et déjà question dans la mesure où il s'adresse prioritairement aux personnelles. En effet, il reprend des disposition du monde du travail et ne développe rien de spécifique pour les étudiantes (qui ne sont pas assimilées à des travailleuses, rappelons-le). Pourquoi cet oubli ? Notre explication est qu'en fait, c'est à une obligation légale que répond l'université. Pour les personnelles, elle applique la loi du 7 Juillet 2012 et s'en tient là, ainsi rien n'est proposé par delà un recours au service hygiène et sécurité (ce que prévoit la loi en fait). Il est vaguement fait mention de devoir s'adresser à la "personne compétente", mais qui est cette personne ? Ma voisine de cours ? Une syndicaliste ? La secrétaire du département ? Une enseignante ? La présidente ? Le règlement ne permet pas de répondre aux soucis que posent les situations de harcèlement dans notre milieu et notamment dans les relations Enseignantes / Enseignées.

Parce que nous continuons à prendre très au sérieux les différentes formes de harcèlement, il nous semble que

  • La première mesure devrait être de réfléchir collectivement de la spécificité qui peut exister dans les situations de harcèlement à l'université et à partir de là travailler à ce qui pourrait endiguer le harcèlement. Des travaux existent, des collectifs aussi et certaines universités ont mis en place des dispositifs comme des cellules d'accueil qui prennent en charge les personnes qui le demandent.

  • Des mesures de protection doivent être réfléchies pour les étudiantes qui parlent. La grande difficulté du harcèlement dans l'université (et l'une des raisons pour lesquelles il perdure) est la relation spécifique qui existe entre l'enseignant et l'étudiante. Contrairement au code du travail qui vient temporiser l'inégalité entre la travailleuse et sa patronne, rien n'est fait pour tempérer le pouvoir qu'ont les enseignants sur les étudiantes. C'est dans cet impensé que se niche la possibilité du harcèlement. Trop d'étudiantes arrêtent leurs études car elles se trouvent face à des murs : in-écoute de ce qu'elles ont vécu puis impossibilité de changer de filière, changer de laboratoires, changer d'université.

  • Des mesures claires doivent pouvoir exister dans l'université quand un doute existe : mise en place d'un suivi à plusieurs, impossibilité d'un tête à tête entre enseignant et étudiante sont des pistes à creuser. Il ne s'agit pas ici de « punir » toutes les enseignantes pour quelques enseignants dangereux.

  • Des campagnes de sensibilisation doivent être lancées par l'université même. Ce n'est pas un article dans un Règlement Intérieur qui pourra endiguer les situations de harcèlement.

Un règlement intérieur : lutter contre la peur par la fermeture ?

Les doutes que nous émettons autour de l'article sur le harcèlement, nous amènent à questionner l'objectif même du règlement intérieur. Jusqu'à maintenant, nous arrivions encore à lutter dans l'université. L'expérience du festival féministe Mœurs attaque nous a montré que l'institution était de plus en plus frileuse et répressive face à la liberté de parole. Soyez libre, mais dans les cadres.

Avec ce nouveau règlement l'objectif est que cela devienne impossible. D'abord parce que cela complique les actions des associations et collectifs étudiant-es : tout doit être validé par un service, demandé un mois à l'avance. Deuxièmement parce que qui n'est pas étudiante ou personnelle n'est plus la bienvenue : un contrôle de carte « pourra s'exercer » si nécessaire. Ainsi nous pourrons continuer à faire du féminisme ou à en parler mais entre nous. Le festival Mœurs attaque, nous ne nous en sommes jamais cachées, était à la fois un lieu d'accueil, un lieu de débat, un foyer d'actions, des ouvertures de discussions, des projections pour les universitaires et pour toutes celles qui le souhaitaient. C'est même ce qui a fait sa force.

Ce festival était, tout comme le règlement proposé, un moyen de nous défendre et de nous sentir mieux dans des lieux où nous passons une partie de notre vie et que nous voyons s'éteindre et s'appauvrir. Pour se rassurer, pour vivre, nous avons choisi l'inverse de la méthode de la direction : ouverture et rencontre, discussion. Nous avions mis en place dans les lieux des référent-es présent-es pour discuter ou gérer les potentiels soucis. Des soucis en un mois, nous n'en avons pas eu. Des petits embêtements parfois, la vie en fait, non ?

Les seuls problèmes que nous avons rencontrés c'est avec certains des services de l'institution. C'est avec la direction qui a voulu faire stopper ce festival sans jamais l'assumer directement en essayant de nous accuser de tout et n'importe quoi.

Revenons en au harcèlement et plus particulièrement au harcèlement sexuel.

Le harcèlement sexuel est un axe de la lutte contre les violences faites aux femmes. Cependant, il concerne aussi des hommes, des intersexes ou des transgenres. Bref, il concerne toute le monde. Or nous avons constaté dans notre militantisme que la seule manière de le faire sortir, la seule manière de le combattre c'est d'en parler, c'est de le publiciser. Donc si nous recroisons le petit article contre les harcèlements avec les nombreux articles contre la liberté des associations et collectifs étudiants, contre l'affichage, les arts sur les murs, la tenue de tables, les empêchements d'aller en cours, … Que reste-t-il contre les violences faites aux étudiantes ? Que reste-t-il contre le harcèlement sexuel ?

Le règlement proposé l'est au nom des faibles, des plus fragiles, des femmes-victimes-d'agression-comme-le-vol-de-portable-à-l'-arraché, celles qui n'en peuvent plus d'être empêchées de travailler, ceux et celles qui ont peur de traverser le soir, sauf que toutes les mesures qui sont proposées, ne vont faire qu'accentuer l'isolement des personnes. Comment se défendre et attaquer si l'espace public est inaccessible ? Comment si l'espace public est réduit à un lieu de passage sans échange politique ? Peut-être pensent-elles bien faire … Cependant nous dont les objets de travail sont nés dans les luttes étudiantes, autour d'un café, dans un sit-in improvisé dans les couloirs, dans la nuit de Paris 8, autour d'un verre, dans les colères, dans la souffrance, nous savons que ce règlement n'est pas celui d'une université et qu'il transforme ce que nous connaissions en un lieu de bachotage. Nous pensons aussi que ce règlement est contre-productif et même nocif pour l'avenir des étudiantes. La liberté de parole et d'actions doit rester intact à l'intérieur des murs de l'université et celle-ci doit aussi rester un lieu ouvert sur le monde pour que l'on puisse espérer changer des choses. L'espace public doit être un lieu d'expression de toutes et tous ; organisés collectivement et avec pour objectif de permettre à chacune et chacun d'être juste bien.

En ce qui nous concerne, nous n'avons pas l'intention de nous laisser isoler, nous continuerons à faire comme bon nous semble. Lutter pour l'égalité entre les sexes, contre les discriminations de genre et les violences liées au genre, au sexe ou à la sexualité c'est aussi défendre l'université comme lieu de création ouvert sur les mondes et les pensées.

Nous refusons de nous plier aux ordres. Nous ne laisserons personne nous dicter notre manière de lutter.

Surtout qu'on ne nous protège pas, on s'en charge !

Nous convions toute le monde à faire comme nous ! C'est collectivement que nous vaincrons que nous mettrons à bas les pratiques de violences et les pratiques sexistes au sein des universités comme dans la société.

Bon courage à la direction !

La Collective Féministe

Texte pourquoi le règlement intérieur est nocif

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